Le danseur des solitudes

Éditeur: Minuit
2006186 pagesISBN 9782707319586
Format: BrochéFrançais
«J'ai vu, un jour, dans les Alpujarras, un oiseau immobile
dans le ciel. C'était un petit rapace. Son corps, à mieux y regarder,
esquissait bien quelques gestes infimes : juste ce qu'il fallait
pour demeurer dans le ciel en un point aussi précis qu'intangible.
Sans doute était-ce le sitio convenable pour bien guetter
sa proie. Mais il lui avait fallu, pour cela même, renoncer à
voler vers un but, ne surtout pas "fendre l'air", tout annuler
pour un temps indéfini. C'est parce qu'il s'était placé contre le
vent - parce que le milieu, l'air, était lui-même en mouvement -
que le corps de l'oiseau pouvait ainsi jouer à suspendre l'ordre
normal des choses et à déployer cette immobilité de funambule,
cette immobilité virtuose. Voilà exactement, me suis-je dit
alors, ce que c'est que danser : faire de son corps une forme
déduite, fût-elle immobile, de forces multiples.»
Il ne s'agit, dans ce livre, que de regarder et de décrire philosophiquement,
autant que faire se peut, un grand danseur de
baile jondo , Israel Galván. Il s'agit de reconnaître dans son art
contemporain un art de «naissance de la tragédie». Il s'agit
d'écouter son rythme et de reconnaître dans ses mots - au
moins trois d'entre eux : la jondura ou «profondeur», le rematar
ou l'art de «mettre fin» et le templar , intraduisible - de
grands concepts esthétiques que notre esthétique ignore
encore.